Recherche

Co-porteuse scientifique dans les sous-tasks des WP3, 4 et 5 du projet européen EECONE (2023-2026) référente GSCOP & expertise ecodesign & circularité, co-encadrement de la thèse de Lucas Pinto sur l’évaluation de systèmes circulaires soutenables en électronique de puissance en intégrant les conditions du ré-emploi et de la modularité des systèmes socio-techniques complexes avec Jean-Christophe Crébier et Yves Lembeye (G2ELab) ;  responsable du groupe de travail sur l’intégration de scénarios circulaires en Électronique de Puissance pour le GSCOP (WP3) de l’ANR PRCE VIVAE (AAPG2021 – ANR PRCE – Industry of the Future)-InnoVatIve life cycles to keep the VAlue of power Electronics, en collaboration avec le G2ELab à Grenoble, I2M Bordeaux, Eaton et Oscaro Power–directrice de la thèse de Li Fang sur la préservation de valeur fonctionnelle pour la soutenabilité en électronique de puissance (2022-2025) avec Pierre Lefranc et collaboratrice de l’ingénieur de recherche ACVist. Responsable du groupe de travail sur l’intégration de l’écoconception Électronique de Puissance (WP1) du Cross Disciplinary Research Project de IDEX PowerAlps (2022-2025) avec co-encadrement de la thèse de Yuechen Li sur l’intégration de la soutenabilité absolue et la réflexivité dans les activités des chercheurs en électronique de puissance (2023-2026) avec Pierre Lefranc du  G2ELab. Co-encadrante de la thèse de Valentin Girard sur « penser le numérique dans une société de post-croissante par des méthodes permettant davantage de résilience informatique » (2023-2026) avec Romain Couillet du lab. d’informatique de Grenoble-LIG. Co-encadrement de la thèse de Lucas Riondet (inter-carnot énergie du futur) sur « l’écoconception de technologies émergentes, par les considérations de changement d’échelle en analyse du cycle de vie » (2021-2024) avec Peggy Zwolinski et Véronique Perrot-Bernadet (I2M, Arts et Métiers Chambéry).  

Les trois principaux projets de recherche interdisciplinaire et les cinq thèses de doctorat structurant mes travaux actuels souscrivent de manière complémentaire aux objectifs d’intégration de la soutenabilité dans les processus de conception de systèmes socio-techniques complexes impliqués dans l’électronique de puissance et les systèmes numériques, avec pour ambition de permettre aux concepteurs d’être proactifs dans le développement de méthodes d’écoconception circulaires soutenables respectant les limites planétaires en agissant en synergie au niveau local grenoblois (IDEX CDP), National (ANR), et européen (EECONE), au sein de l’équipe CoSYS du G-SCOP.

L’éco-conception est une démarche qui consiste en l’intégration systémique des aspects environnementaux en conception des produits afin d’éviter les impacts environnementaux les plus négatifs et de réduire globalement l’empreinte des produits. Cette démarche se déploie et se complexifie à mesure que les défis liés à l’anthropocène s’intensifient. De nouvelles approches plus globales reliant le cycle de vie des objets et des systèmes industriels sous-jacents, à l’impact qu’ils génèrent sur les écosystèmes, nous conduisent à l’évolution de nos pratiques. Déjà l’Analyse du Cycle de Vie, l’économie circulaire ont permis de replacer l’acte de conception d’un objet dans la vie de l’objet et même dans la vie des matières le composant. L’économie circulaire dépasse la préservation d’une « compatibilité entre une économie industrielle et son environnement planétaire ». D’après le dictionnaire de la pensée écologique [Bourg, 2015], ce terme unificateur ne se résume pas à l’application d’une liste de mesure réparatrices dont l’éco-conception ferait partie, mais à « une transformation du système industriel lui-même dans une infinité de registres ». Elle «impose un questionnement continu sur l’efficacité du système entier, et sur la contribution de chaque initiative à cette efficacité ». C’est bien dans cette réflexion que j’inscris mon travail. 

Aujourd’hui de nouvelles notions telles que la définition des «planetary boundaries » et la résilience de nos systèmes socio techniques m’incitent à élargir davantage ma réflexion scientifique. La conception d’un produit ou service rencontre l’expertise et la conscience du concepteur, additionnées à celles des parties prenantes intervenant pendant le cycle de vie du produit, y compris celles de l’utilisateur. 

Le cadre conceptuel proposé pour supporter la conception intégrant l’environnement (fig. 1 ci-dessous) se traduit dans mes travaux par une contribution structurée sur les trois composantes « Modèle-Vue-Contrôle » du système d’information en ingénierie dirigée par les modèles, appliqué à l’approche systémique que suppose la pensée écologique (fig.2 ci-dessous). Une synthèse de mes contributions académiques dans ce cadre est présentée dans cette section.

Figure 1: Proposition d’un cadre conceptuel comme outil d’intégration des limites planétaires dans le processus de conception des produits  Ref. : [Bourg, 2018] D. Bourg, Une nouvelle terre, Desclés de Brouwer, 2018.
[Arnsperger, 2017] Ch. Arnsperger, D. Bourg, Ecologie Intégrale, pour une société permacirculaire, PUF, 2017.

4 niveaux d’intégration des limites planétaires en conception sont présentées fig. 1 

  • le niveau micro est celui du concepteur en mécanique, améliorant l’efficacité des process industriels, de la performance environnementales de produits et services qu’il développe (éco-conception & clean process). 7 facettes (à droite) supportent la démarche du concepteur à s’acheminer vers un processus de conception de produits et de services plus soutenables: (1) l’engagement des parties prenantes de la chaine de valeur du produit-système considéré dans une démarche permacirculaire authentique ;(2) le déploiement de technologies de production et de conception adaptées; (3) la gestion des flux de matière et d’énergie de la manière la plus efficace possible; (4) Entretenir un encrage territorial fort (ressources locales, actions citoyennes possibles) ; (5) Utiliser des indicateurs quantitatifs et qualitatifs liés au niveau 4 ; (6) S’appuyer sur un système d’information intégré ; et (7) la capacité de mesurer quantitativement la soutenabilité des choix pris. 
  • Le niveau méso mesure la circularité de l’économie : le taux de renouvellement des biens, et des flux de matériaux mobilisés par nos sociétés. Une réduction à 1 % maximum des économies au niveau méso et croissance de la circularité des ressources utilisées dans les systèmes de production-consommation (incluant les filières de transformations et de traitements de fin de vie) sera probablement nécessaire [Grosse, 2010], ceci en tenant compte d’une croissance démographique plausible et des 9 limites planétaires déterminantes pour assurer sa soutenabilité.
  • Le niveau macroscopique correspond aux 9 principales limites planétaires définies par les scientifiques [Steffen et al., 2015]. Ces limites étant déjà dépassées pour au moins trois d’entre elles : la perturbation climatique, l’érosion, la baisse de la biodiversité, fruit du travail réalisé par l’équipe du centre de Résilience à l’Université de Stockholm. Le dernier niveau est d’ordre culturel et politique soutenant la mutation de nos sociétés plurielles vers une sobriété heureuse et conviviale.

L’ingénierie dirigée par les modèles, issue de l’évolution de l’ingénierie dirigée par les objets décrit les relations et méthodes entre les méta-modèles, incluant les activités, outils, flux de données circulant lors du processus de conception au sein de l’entreprise [Rio, 2012]. Ce sont les fondements des jumeaux numériques de l’entreprise au cœur de l’industrie 4.0. Sur les trois composantes « modèle-vue-contrôle » le système d’information ainsi structuré en entreprise, est un système numérique puissant pour mettre en œuvre la conception pour l’environnement dans toute sa complexité [Rio et al. 2017]. Les opérations de contrôle vont inclure des programmes de gestion d’objectifs environnementaux, par exemple l’efficacité énergétique, assurer la circulation des flux, le maintien des propriétés techniques et fonctionnelles sur plusieurs cycles d’usage, etc. La partie vue–médium puissant pour simplifier une réalité complexe (cf. travaux sur la réalité virtuelle, augmentée)–sera essentielle pour présenter des résultats graphiques d’Analyse du Cycle de Vie des produits (ACV) et d’en faire varier les paramètres pour que les concepteurs envisagent des scénarios alternatifs. 

Figure 2: Structure du système d’information issus propositions de [Bricogne-Cuignières, 2015] adapté à l’approche de conception pour l’environnement, publiée et présentée dans [Rio et al, 2017]
Ref. : [Bricogne-Cuignières, 2015] M. Bricogne-Cuignières, Méthode agile pour la conception collaborative mutlidisciplinaire de systèmes intégrés : application à la mécatronique, thèse de doctorat, UTC, 2015. 

Approche Bottom-up des contrôles permis par les modèles: quels outils et méthodes supportant l’éco-conception adaptés aux très petites entreprises ?

  • Engager et suivre le processus de conception en éco-innovation : une méthode innovantetravaux de master francophone de Amine Habbiche, 2017; co-encadré avec Mr. Paliotti de l’entreprise ArtoGreen.
  • Synchroniser au besoin des activités, acteurs, outils « habituels » aux outils disponibles intégrant la dimension environnementale ; étude critique de la mise en œuvre d’un processus poussé par les données et outils disponibles en fonction des étapes du processus de conception (analyse SWOT), travaux de master recherche Tong Zhao, 2017
Illustration du diagramme de classe présentant les méthodes répertoriées à chaque étape du processus de développement d’un produit conçu dans une très petite entreprise

Développement des modèles de Design to Environment: comment expliciter et intégrer les paramètres environnementaux implicites lors du processus de conception?

  • Modèles de processus et d’activités : mise en place d’un protocole paramétrique  pour supporter l’intégration des paramètres environnementaux dans les activités du processus de conception (formalisé en langage UML), travaux de master recherche Kamni Mohd Hisyamuddin, 2016.
  • Capter et/ou créer des connaissances locales par l’ingénierie des modèles et transformer les modèles d’analyse de cycle de vie : construction dynamique des Inventaires du Cycle de Vie sur les données d’usage [Rio and Domingo, 2016], en collaboration avec Lucie Domingo (Ingénieur de recherche Expert ACV). La poursuite de ce travail a donné lieu à la journée scientifique internationale du réseau EcoSD (ATA 2016) sur «How eco-design of products and services can embrace the use phase» [Domingo et al. 2017] avec M. Vautier et X. Durieux d’Orange Groupe.
Illustration des modèles de données d’usages disponibles à différentes étapes de développement d’un VTT
Génération d’analyse d’impacts environnementale avec plusieurs scénarios correspondants aux modèles d’usages co-existants lors du processus de développement du VTT
  • Expliciter les connaissances locales et en créer des modèles paramétriques en conception pour l’environnement: développement du Time Variation Network d’après [Kondoh et al. 2016] travaux de première année de thèse de Moussa Hamzeh, 2017 [Rio et al. 2018]. 
  • Supporter un lien dynamique entre les processus de fabrication additive et les modèles d’analyse de cycle de vie environnementale dans les phases amont de prototypage du processus de conception ; travaux de master recherche Foteini Markou en collaboration avec les Arts et Métiers ParisTech [Markou et al. 2016].
Research focus and contribution (Fig 2 & 3) and the system boundary of the streamlined LCA of a simple product manufactured by Fused Deposition Modeling and by Polyjet Additive Manufacturing machines in early design stage
  • Transformer les résultats d’évaluation environnementale en des décisions sur les produits nouveaux réalisés – utilisation du bloc diagramme d’analyse fonctionnelle, travaux de master recherche d’Erica Fotsoh, 2018.

Développement des views: quelles logiques et visualisations efficaces pour représenter les résultats d’Analyse du Cycle de Vie dans le processus de conception?

  • Choix et représentations efficaces par rapport au besoin recherché en ACV, développement d’un outil logiciel en ligne LCAGraphictravaux issus du projet de recherche PlayRoom, financé par EcoSD & l’Ademe, 2018-2020. Disponible sur : https://peeji.grenoble-inp.fr/LCAgraphicVF/
Fonctions principales utiles pour l’étape d’interprétation des résultats d’ACV, représentations graphiques associées classiquement dans les outils d’ACV et celles alternatives existantes en DataVision
  • Assurer un lien adéquat, effectif entre les représentations graphiques des résultats d’ACV et les besoins des concepteurs (ou ingénieurs) pendant le processus de conception et de fabrication des produits et services, travaux de master recherche de Giselle Nicole Andonie Estay, 2019 ; jeu de 6 familles [Rio et al. 2019] 

Contribution sur les systèmes de contrôle: quels indicateurs locaux et contextualisés adaptés à la DtE ?

  • Indicateur de circularité et évaluation et suivi des évolutions des filières de recyclage des matériaux sur les territoirestravaux de doctorat de Mauricio Dwek soutenus, en codirection de Prof. Peggy Zwolinski [Dwek et al. 2018]
  • Lier les indicateurs d’impacts utilisés en ACV aux indicateurs locaux maitrisés par les concepteurs au moment des prises de décision :
    • Protocole de mise en place de suivit de la qualité de l’air dans les FabLabs, application à la FacLab de Ginova (Grenoble INP), travaux de master recherche de Shirin Khaki [Khaki et al. 2020]
Illustrations des objectifs des travaux menés
Illustration des mesures d’impacts prises sur les machines de Fabrication Additives
  • Indicateurs locaux utilisés en GlycoSciences, travaux réalisés dans le Work Package 5 du projet IDEX UGA Glyco@Alpes.

  • SustainLives:analyse de la soutenabilité des modes de conception par les initiatives locales : Design for Sustainability, Transition Studies, Design Convivial, Open Design (etc.) chez les Makers, dans les tier-lieux, projet de recherche collaborative exploratoire (EcoSD & Ademe) avec Benjamin Tyl de l’Apesa et Tatiana Reyes de l’UTT – PRC 20.3
    • Intégration d’une méthode pour la conception soutenable adaptée aux initiatives locales: la convivialité comme cadre structurant, travaux de master recherche de Sébastien Mermoz, 2021

  • Accompagnement d’une démarche de conception soutenable avec les tiers-lieux: application à la matrice des technologies conviviales et mise en récit des expérimentations avec les initiatives locales, travaux de stage d’Athur Lousteau en co-encadrement avec l’UTT et l’APESA, 2021

Développement systémique Modèle-Contrôle-Vue: quelles perspectives d’économie circulaire supposée par la DtE  de produits aux technologies multiples, notamment électronique (électronique de puissance) ?

  • Mise en œuvre de l’éco-conception dans l’industrie du semi-conducteur, proposition d’un modèle paramétrique spécifique à la modélisation des donnés lié à la phase de fabrication des produits microélectroniques, travaux de master recherche de Fatima Mssous, 2015.
Etape 1 d’intégration du modèle paramétrique d’ACV en micro-électronique combinant les travaux de doctorat de Villard, 2012 et de Baudry, 2013 – illustration de la méthode proposée
  • Envisager une économie plus circulaire dans le secteur de l’électronique de puissance, le cas de convertisseurs modulaires, travaux de master recherche de Khawla Khannoussi, 2019 [Rio et al. 2020].
  • La modularité comme opportunité à la conception circulaire en électronique de puissance (mécatronique), travaux de doctorat de Boubakr Rahmani, co-encadrement Maud Rio en collaboration avec G2ELab de Grenoble INP, co-direction Pr. Yves Lembeye et Chercheur CNRS Jean-Christophe Crebier.
    • Méthode de DtE applicable aux systèmes d’Electroniques de Puissance, Stage de Mathilde Recot, 2021

  • Vers une conservation de la valeur fonctionnelle pour une électronique de puissance soutenable – développement d’une méthode de conception intégrée favorisant la circularité de systèmes en électronique de Puissance: couplage d’indicateurs d’analyse d’impact environnemental et de valeur résiduelle pour envisager, définir et piloter des cycles d’usages soutenables, travaux de doctorat de Li Fang, Directrice de thèse Maud Rio, en co-encadrement avec Pierre Lefranc du G2ELab de Grenoble INP–Projet ANR VIVAE (AAP 2020)

Développement systémique Modèle-Contrôle-Vue: comment permettre l’éco-conception de technologies émergentes pour l’énergie et l’industrie du futur?

  • Prise en compte du changement d’échelle dans l’analyse du cycle de vie, travaux de doctorat de Lucas Riondet, Directrice de thèse Peggy Zwolinski en co-encadrement Maud Rio avec Véronique Perrot-Bernadet des Arts et Métiers de Chambéry, Projet sCALe-IT–financé dans le cadre d’un co-financement institut Carnot ARTS et Carnot Energie du Futur (2021-2024)

Ce travail permet en outre de questionner la capacité des concepteurs à anticiper l’effet rebond de technologies émergentes dans les produits mécatroniques, et si oui, d’éco-concevoir les cycles d’usages et de fin de vie de ces produits.  

Cette question est déjà abordée à l’étranger sous l’angle des limites planétaires, comme indicateur de soutenabilité « absolue », au travers des méthodes d’Analyses de Cycle de Vie notamment. Elle fait en effet partie des thématiques de recherche de la Technical University of Denmark en lien avec les évaluations des impacts sur les limites planétaires réalisées au Stockholm Resilience Centre en Suède (cf. Review of life-cycle based methods for absolute environmental sustainability assessment and their applications – https://doi.org/10.1088/1748-9326/ab89d7). 

Un dialogue avec ces laboratoires a été initié en 2021 pour collaborer sur ces sujets, en y associant le laboratoire qui développe la pensée écologique à l’Université de Lausanne en Suisse. Mon intention a été de formaliser une démarche réflexive, en synergie avec les outils spécifiques pour intégrer les limites planétaires dans les outils des concepteurs (Resilience Centre à Stockholm, DTU au Danemark). Cette pensée nécessite du temps, voire un pas de côté pour se formaliser et se transformer en objet de qualité scientifique. De même enseigner l’éco-conception et l’écologie industrielle aux étudiants de conception mécanique vivant l’anthropocène nécessite une approche intégrant les dimensions économiques, politiques, culturelles, psychologiques et émotionnelles des changements globaux Leichenko and O’Brien, 2020]. Nous sommes confrontés à une montée de la solastalgie [Galway et al. 2019] chez nos étudiants et parmi nos collègues chercheurs. La différence est qu’en étant chercheur nous sommes acteurs du changement que nous espérons voir dans le futur. C’est un moteur qui nous incite à travailler en pleine conscience dans un esprit de rigueur scientifique. J’assume la responsabilité sur la manière dont les étudiants de conception mécanique intègrent cette conscience du monde complexe et sensible aux impacts générés par l’activité humaine. Le système académique fondé sur les sciences doit leur permettre de créer des possibilité de changement, afin d’éviter la désolation qui se manifeste potentiellement par le sarcasme et l’indifférence (le fameux « à quoi bon »). Il s’agit d’apporter du discernement par un travail scientifique rigoureux permettant un transfert de son contenu vers les étudiants et les acteurs du tissu industriel en demande de formation professionnelle adaptée pour faire face à la transition écologique de notre société. 

Projet de Recherche – septembre 2021 – Août 2022 – CRCT

Perspectives et limites de l’intégration des limites planétaires dans le processus de conception des produits

En se référant au dictionnaire de la pensée écologique [Bourg et Papaux, 2015], l’inquiétude du dépassement des limites de la biosphère et de son effet irréversible sur le fonctionnement des cycles naturels qui conditionnent notre vie sur Terre, existe dès le début de la révolution industrielle. Nos sociétés ont choisi d’investir le champ du progrès «continu» des techniques et des sciences pour permettre à l’humanité d’avancer vers un monde meilleur. Ces limites « réelles » n’ont pas été considérées comme des référentiels, cadrant les activités humaines, mais au contraire ont été des défis à relever pour les dépasser.

Un ensemble de chercheurs développent des modèles de répartition des ressources (cf. [McLaughlin, 2018] au niveau régional), et questionne ces modèles d’allocations de ressources pour rendre opérationnel l’évaluation du dépassement des limites planétaires du niveau individuel au niveau industriel [Hjalsted et al. 2020]. Les modèles d’évaluation de l’incertitude liée au changement d’échelle, ou encore à la consommation et à l’impact annuel généré dans une région sont encore l’objet de nombreux travaux en cours de développement. Les auteurs cités font d’ailleurs référence à des principes éthiques, philosophiques et politiques. 

Ainsi j’ai proposé d’utiliser ces méthodes de transformations de nos sociétés dans leurs multiples dimensions pour intégrer l’approche d’écologie intégrale proposée par les professeurs en économie, Christian Arnsperger et en Philosophie Dominique Bourg de l’université de Lausanne, dans les processus de conception des produits en ingénierie. L’objectif visé est d’atteindre une société « permacirculaire », c’est-à-dire,  en simplifiant le concept, qui respecte de manière authentique les limites de la planète que nous avons en tant qu’être humains vivant sur le système-Terre, et ce du point de vue de concepteur. 

Question de recherche: quel outil réflexif permettrait au concepteur d’intégrer une pensée écologique authentique dans ses activités d’ingénierie, afin de porter la transformation de notre société vers une forme permacirculaire?

Outils d’évaluation quantitatifs des limites planétaires, intégrés actuellement au niveau des processus de conception des produits en entreprise, et évaluation des dommages de nature anthropique générés sur ces limites planétaires par les avancées scientifiques de type GIEC (Groupe Intergouvernementaux d’Evolution du Climat): à l’échelle du processus de conception en entreprise les limites planétaires sont évaluées au travers des méthodes d’Analyse du Cycle de Vie (ACV – norme ISO 14040). Ces limites (ex. : perturbation climatique) sont déclinées en valeurs seuil exprimées par des indicateurs (ex. : kg CO2eq), puis intégrées aux outils aidant la prise de décision utilisés par les concepteurs (ex. : méthodes d’allocation intégrés dans les outils d’ACV). A l’échelle macroscopique, les groupes d’experts intergouvernementaux comme le GIEC sont en mesure d’estimer quantitativement les tendances à 5-20-100 ans (et selon différents scénarios d’évolution) des impacts sur la biosphère (ex. : perturbation climatique) résultant des choix en production, sur nos modes de consommation, dans nos pays guidés par la croissance économique comme modèle de développement. Ainsi, à l’échelle 

microscopique, les méthode d’évaluation environnementale utilisées par les concepteurs en entreprise pour éco-concevoir leurs produits, disposent de bases de données de plus en plus riches permettant de quantifier les impacts potentiels sur des indicateurs globaux (ex. : perturbation climatique) ou locaux (ex. : composés organiques volatiles) liés aux phases du cycle de vie du produit en cours de développement. Les modèles d’ACV comprennent les méthodes de calcul d’impacts, dont les facteurs de pondération, de normalisation (ex. : impact moyen d’un Français par an), évoluent à mesure que les résultats scientifiques sont publiés. 

Par conséquent, il est  raisonnable de prévoir que plus les outils d’analyse de données statistiques, de calculateurs, de représentation graphique s’améliorent, plus nous sommes en capacité d’évaluer les impacts sur la biosphère de nos extractions-productions-usages-traitement de fin de vie des produits, et plus le concepteurs  peuvent prendre une décision « raisonnée » évitant de dépasser des limites seuils. En effet, des processus de production moins générateurs d’impacts se développent de manière exponentielle (Cleaner production), les matériaux « plus verts » se développent, les technologies mises en œuvre sont plus efficientes ou efficaces, etc. Pourtant les tendances globales des impacts sur la biosphère résultant de ces évolutions suivent aussi une courbe exponentielle. Ceci s’explique en partie par l’effet rebond sous-jacent au système de développement des produits, de leurs usages dans nos sociétés mondialisées.

***

Ainsi résume Arnsperger [Hess and Bourg, 2016]: «La dégradation de la biosphère se poursuit de manière accélérée malgré de multiples sommets internationaux, et force est de reconnaître l’échec relatif – ou en tout cas l’insuffisance patente – des politiques environnementales fondées sur l’incitation, sur le «découplage» entre inputs et outputs et sur la quête d’une «croissances verte». Vouloir bâtir une économie de l’environnement sur la seule base de ce qui apparait comme possible pour la majorité des humains d’aujourd’hui, nous voue à l’immobilisme et à la disparition progressive de nos «capitaux naturels» (…). Dès lors, l’économie mainstream de l’environnement en prenant Homo sapiens oeconomicuscomme donné, devient un projet quasiment auto-contradictoire quand il s’agit pour elle de penser les conditions d’un développement humain écologiquement durable». Sans outil réflexif permettant de prendre la mesure systémique du travail de recherche ou d’enseignement mené, il semble difficile de ne pas continuer aveuglément à contribuer à cet engrenage.

***

Conscients de cette dérive, les projets « d’économie circulaire » foisonnent dans le domaine de l’ingénierie, en proposant de « boucler » les flux de matière, d’énergie, voire de déchets. Mais il est difficile d’articuler les démarches d’économie de fonctionnalité, les approches de produits-services-systèmes, d’éco-efficience (etc.) du monde industriel avec l’effet d’un bouclage de flux (du moins intentionnel) au niveau planétaire. Or, comme le montre Serra et Buclet [Serra et Buclet, 2020] l’économie de fonctionnalité nécessite de refonder la légitimité du compromis industrialo-marchand. La création de valeur, de fonctionnalité, peut se trouver en dehors de la sphère marchande. 

Question: le concepteur est-il seulement en capacité de se saisir fondamentalement de la pensée écologique sans être aidé pour repenser les déterminismes que supposent son activité dans le monde industriel, héritage de plusieurs siècles de construction sociale et de vision du monde ?

  • Originalité: aborder l’intégration des limites planétaires dans l’activité des concepteurs, au niveau du triptyque outil, savoir-faire et connaissances intrinsèques à l’individu, dans son système de valeurs. 
  • Hypothèse: cette intégration nécessite une réflexion anthropologique sur la durabilité et le progrès. La vérifier demande d’investir les champs disciplinaires de philosophie, d’économie, des lois et de l’éthique des sciences de l’environnement. 
  • L’objectif de 2021-2022 est de construire un outil réflexif adapté au concepteur, ainsi qu’au chercheur en conception intégrée, nous permettant d’analyser notre propre rapport à ce que suppose la pensée écologique.
  • Statut: terminé en cours de formalisation.

Vers l’intégration de soutenabilité absolue dans une démarche de réflexivité en ingénierie

Cross Disciplinary Research Project CDP IDEX PowerAlps 2022-2025

Thesis subject: toward absolute sustainability integration and reflexivity into Power Electronic researchers’ activities.

Description:

This PhD is part of the CDP PowerAlps, leaded the G2ELab, fostering interdisciplinary collaborations and building a research community in Power Electronics. The PowerAlps institute embraces a broad common vision of Power Electronics challenging researchers through technological breakthroughs and absolute sustainability vision and practices. Power Electronics is a key enabling technology for controlling electrical energy and targeting 50% of electricity production from renewable sources in France by 2035. Targeting carbon neutrality by 2050 should at the same time, respect the other Planetary Boundaries. The resulting social-ecological systems potential disruptions from technological changes, should be mindfully addressed to Power Electronics designers, engineers and researchers.

70% of electricity is already interfaced by power electronics. Electrical Grid remains an application with a low penetration of Power Electronics, despite its capacity to interface between renewable production (PV, wind turbines, fuel cells and other unconventional sources) and the 50Hz constant frequency AC grid. It also provides bidirectional link with storage systems as batteries. Beside this « simple » but mandatory interface, many other applications are necessary for ‘future’ Grids targeted for 2035 for Power Electronic experts: DC transportation for underwater links, systems to control power transfer and prevent blackouts due to congestions (e.g., with electric vehicle superchargers), etc. The PowerAlps institute considers the opportunity to reduce the inertia of the grid (and stability), which is today mainly based on rotating generators.

This evolution toward electrical energy control is therefore shaping industrial and social activities related to Power Electronic systems, and must be planned to stay inside the Planetary boundaries. History of sciences and technics however showed that industrial and technological breakthroughs developments have not yet enabled to maintain our societies under ecosystems resilience limit. Sustainability commitments in Power Electronic should then be addressed seriously to researchers developing such technologies.

Power electronic industry sectors and societies are currently making bold commitments to sustainability, both in terms of scope and intended time for achievements of these duties. This PhD research project focuses on the capacity of Power Electronics researchers in understanding the issues raised by sustainability, integrate them in their research activities to handle research that will support Ecodesigned Power Electronics based products and technologies.

The aim of this PhD is to develop and test the effect of a reflexive method adapted to the Power Electronics research domain to support the integration of an « absolute sustainability thinking », based on the researcher’s capacity to (i) exercise introspection on their own activity in power electronic, and (ii) learning about their fundamental awareness and consciousness about socio-technical aspects of sustainability. This PhD will provide an operational format of this reflexive method to ease its dissemination across the Power Electronic communities, in academia and in industry.

This PhD project will focus on the capacity of power electronic researchers to integrate absolute sustainability in their own practices in a reflexive manner. An absolute sustainability perspective considers the planetary boundaries altogether as a limit to avoid to raise the risks to the Earth system stability. This research project will entail a systemic modelling of current practice, researchers’ skills, medium to long-term visions, method implementation and potential absolute sustainability achievement in order to provide the baseline for gap analysis between the intention and the achievement of preventing life cycle engineering for absolute sustainability in power electronic research, to be fully integrated. A reflexive method will be proposed and tested on the power electronic researchers (including the PowerAlps CDP research project participants) to measure its capacity to reduce this gap. The objective for the case studies will be to test the reflexive method in different research team context (e.g.: technology and processes, design integration, Power systems), concerning different type of PE systems, envisaged at different scale, with different degree of maturity. Invariant factors to reduce the gap between the prior intention and the achievement in the ecodesign practice, that will be identified across the case studies will help to address to other contexts (private, public, sectors, etc.) such reflexivity.

The PhD project refers to the field of integrated life cycle engineering design in a socio-technical perspective considering the planetary boundary as the ultimate safe operating space to target for the future of the industries.

Les commentaires sont fermés.